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GABRIEL

 

Phénomène :

  • Fait naturel constaté, susceptible d'étude scientifique, et pouvant devenir un sujet d'expérience

  • Fait observé, en particulier dans son déroulement ou comme manifestation de quelque chose d'autre 

  • Personne, chose qui se fait remarquer par son caractère extraordinaire, singulier, exceptionnel

  • Personne qui sort de l'ordinaire, qui surprend par son originalité, son caractère excentrique 

  • Individu anormal, monstre 

  • Ce qui apparaît à la conscience, ce qui est perçu par les sens, ce qui relève du monde sensible. (Kant)

Un phénomène est la manière dont une chose, un fait du monde physique, psychique ou social se manifeste à la sensibilité d’un être vivant. Le mot phénomène vient du latin phaenomenon, emprunté au grec φαινόμενον, « apparence », dérivé du grec ancien φαίνω, « faire apparaître ». Le phénomène lie un objet, d'où vient le phénomène, un sujet, passif, qui reçoit le phénomène, et une manifestation, une apparition, qui fait le lien entre l'objet et le sujet. Le phénomène n'est pas une "chose", c'est l'application à un objet d'une fonction, et plus particulièrement d’une fonction cognitive qui, dans son opération, son opérativité, génère ce qui constitue le phénomène comme tel (avec ses caractéristiques propres). Le phénomène est la représentation qu'opère en soi le processus cognitif qui le constitue.

 

Gabriel est un phénomène.

Quelqu’un – ou quelque chose ? – qui fait irruption dans le cours normal des jours.

Il est un phénomène parce qu’il est une marionnette, et parce qu’il représente un sujet handicapé. 

Il ne se pose pas la question de savoir s’il est « en situation de »  

Sa validité est d'emblée refutée : il marche grâce à quelqu’un, qui dit être sa soeur, le tenant par du bois à l’intérieur de son dos.

Et parle la bouche fermée.

Ça sort de l’ordinaire, n’est-ce pas ?

Il se fait remarquer parce qu’il a cette double capacité à être faux et vrai, vivant et mort à la fois

 

Gabriel est un phénomène.

Qui fait signe d’autre chose que lui, qui se manifeste à travers lui.

(La question de Pierre : Qui se cache derrière l’autre, entre ta soeur et toi ?)

 

La soeur aussi est un phénomène, à sa manière, qui vient tenter de saisir de l’intérieur qui est son frère, - et même plutôt peut-être pourquoi son frère, quoi son frère, comment son frère, lui, fait naturel constaté - en le confrontant facticement à d’autres qui ne le connaissent pas. Sorte d’étude scientifique.

Mais qui parle finalement, par le truchement de l’objet marionnette ?

Ce n’est ni la vraie soeur, ni le vrai Gabriel

C’est de la parole qui se créée dans l’instant 

Quelque chose de Gabriel parle par la bouche de la soeur

Quelque chose de la soeur, par la bouche de la marionnette 

 

(Et puis il y a ce qu’elle ne parvient pas à formuler encore. Et dont Gabriel se fiche complètement, a priori.)

 

Devant ce phénomène, dans la plupart des cas, soit on rit de peur, soit on fuit de peur.

Mécanismes de défense activés, cerveau archaïque aux manettes.

La peur du monstre, de l’étrange, de l’anormal.

Prendre le contrôle de la situation pour désamorcer sa dangerosité - rire, montrer et dire « qu’on sait que c’est pas un vrai », toucher pour prouver : le mode agression

Ou alors le rire infantilisant et qui met à distance, fermant tout de suite la discussion 

Ou bien fuir. Rester très loin car tétanisé de peur, ou passer très vite avec un mot gentil pour ne surtout pas se retrouver aux prises avec un engin pareil….

Qu’est-ce qu’il me veut, après tout ? 

Qu’ai-je à voir avec tout ça ?

L’indifférence aussi.

Tu n’entres pas dans mon champs de vie, il n’y a pas de contact possible entre toi et moi, tu n’existes pas pour moi.

 

Rien de surprenant : ce qui fait signe de l’anormal, de la différence est très majoritairement instinctivement tenu a distance, assimilé inconsciemment à un danger potentiel.

 

Un des enjeux de la civilisation, par le biais de l’éducation, me semble-t-il, et de pouvoir choisir entre le fait de rester dans des automatismes réactionnels (cerveau archaïque) ou celui de tenter de jouer le jeu pour voir où il nous mène, collectivement et individuellement. 

 

Au fond, c’est toujours soi-même qu’on rencontre. 

Est-ce cela, le vrai danger ?

Anne-Laure Lemaire - mars 2020

© copeau marteau

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